Extrait récit. Fracture

Publié le par Kathia Martinez

Le jour « j » était arrivé pour Samir, surnommé Sam. Il allait enfin quitter cette prison qui l’avait changé, définitivement. Il était tombé pour une histoire de vol de voiture avec circonstance aggravante, il y a huit ans. De post adolescent quand il était entré, il en sortait homme avec un autre regard sur la vie. Durant son incarcération, il n’avait fait qu’étudier, lire, s’interroger et prier. Tout était prêt pour sa sortie et des gens l’attendaient dehors, des gens qui connaissaient d’autres gens emprisonnés encore et qui venaient pour aider Sam dés sa sortie.

Sam était le produit français de ces jeunes des années 2000 issus de l’immigration du continent africain. Il avait vécu dans une cité, ses parents ne parlaient pas français convenablement et vivaient à l’heure de ce pays d’origine qu’il ne connaissait que quelques semaines par an durant ses vacances d’enfant. Il n’avait jamais voyagé ailleurs. Il ne connaissait que la région lyonnaise et parisienne et Oran. En Algérie, il était un français et en France, il restait cet étranger qu’il n’était pas pourtant. Ce flou identitaire que ces amis vivaient aussi l’avait fracturé. Il avait grandi et s’était construit dans une fracture, dans un choix impossible à faire. Il s’était construit en ayant le sentiment d’être un ennemi, une impossibilité, une présence erronée. Quand il était petit, les personnes âgées l’insultaient, lui disaient « sale arabe, race de cafards, retourne chez toi ». Il avait grandi reclus dans sa cité de quelques murs bétonnés aux allées sentant le shit et l’urine. Il s’était réfugié ici. Alors Il n’avait eu le choix que de se chercher une identité rêvée, une identité fantasmée de ce qu’il pensait être et détenir en lui, entre ces murs grisâtres et humides qu’il arpentait. Il n’était pas un meneur. Sam avait toujours été celui qui suit. Il était pourtant grand, athlétique mais manquait tant de confiance en lui et avait un besoin tel d’être aimé qu’il cherchait plus à plaire qu’à s’imposer. La cité avait été son premier employeur et lui avait payé ses premières pompes à 200 euros, son premier Ipad, ses jeans diesels. Il en jetait avec les filles, il était bien sapé, bien bâti et avait du cash.

 

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